Cyrus II, plus connu sous le nom de Cyrus le Grand, demeure l’une des figures les plus marquantes de l’histoire antique. Fondateur de l’Empire achéménide, il a su allier génie militaire, sens politique et humanisme avant l’heure. Né vers -600 et mort en -530 av. J.-C., il réussit à transformer une petite dynastie perse en la première véritable superpuissance mondiale. Au-delà de ses conquêtes, Cyrus est surtout resté célèbre pour son respect des cultures locales, sa tolérance religieuse et son souci d’une gouvernance juste, ce qui lui valut d’être célébré non seulement en Perse, mais aussi par de nombreux peuples qu’il domina.

Le 29 octobre est connu comme le Jour de Cyrus, récemment célébré par les Iraniens et quelques autres nations respectant Cyrus, tels que les zoroastriens. Ce jour marque l’anniversaire de la conquête de l’Empire babylonien par l’armée iranienne le 29 octobre 539 av. J.-C. et la fin de la tyrannie du monde antique.

 

Cyrus le Grand : Brève biographie et fondation de l’Empire achéménide

Cyrus le Grand, fut le fondateur et premier roi de l’Empire achéménide, qui domina de vastes régions d’Asie entre 559 et 529 av. J.-C. Dans son célèbre cylindre découvert à Babylone, il se présente comme « le fils de Cambyse, grand roi d’Anshan, petit-fils de Cyrus Ier et arrière-petit-fils de Chish Pish, rois d’Anshan issus d’une famille éternellement royale ».

Issu de la dynastie achéménide, Cyrus tenait sa légitimité de ses deux lignées : son père, Cambyse Ier, était roi d’Anshan, vassal du puissant royaume mède ; sa mère, Mandane, était la fille d’Astyage, roi des Mèdes. Cette double appartenance royale lui conférait une légitimité aussi bien perse que mède. Toutefois, certains historiens pensent que cette filiation, rapportée notamment par Hérodote, pourrait avoir été en partie façonnée pour renforcer l’union des deux peuples sous sa couronne.

L’enfance et la jeunesse de Cyrus sont entourées de légendes. Hérodote rapporte que, craignant l’accomplissement d’un songe prophétique, Astyage ordonna de faire disparaître l’enfant. Sauvé par un berger, Cyrus grandit loin de la cour avant de revenir, adulte, réclamer le trône. Bien que ces récits mêlent mythe et réalité, ils soulignent la destinée hors du commun qui fut attribuée à Cyrus dès sa naissance. Xénophon et d’autres auteurs antiques transmettent également diverses versions de son ascension, preuve du caractère exceptionnel et fondateur de son règne.

À partir de 550 av. J.-C., Cyrus lança une série de campagnes militaires qui transformèrent profondément le Proche-Orient. Il commença par renverser son grand-père Astyage et unifier sous son autorité Perses et Mèdes. Il affronta ensuite Crésus, le puissant roi de Lydie, réputé pour ses immenses richesses. Après la prise de Sardes, la Lydie et ses ressources passèrent sous domination perse. Enfin, en 539 av. J.-C., Cyrus remporta sa plus éclatante victoire : la conquête de Babylone. La ville tomba presque sans combat, et cet épisode marqua l’apogée de son pouvoir.

En moins de vingt ans, Cyrus le Grand avait bâti un empire colossal, s’étendant de la Méditerranée à l’Indus. Il rassemblait sous une même autorité une mosaïque de peuples et de cultures — Perses, Mèdes, Lydiens, Babyloniens, Juifs, Élamites et bien d’autres. Cet empire, fondé sur une remarquable capacité d’intégration et de respect des traditions locales, posa les bases de l’un des plus grands ensembles politiques de l’Antiquité.

 

Accomplissements de Cyrus le Grand

Cyrus se révolta d’abord contre le roi des Mèdes et s’empara de leur capitale, Ecbatane, avec l’appui d’une partie de l’armée mède. Il vainquit ensuite Crésus, le riche roi de Lydie, et marcha sur Sardes, qui fut prise par les forces perses après un siège de deux semaines. Cyrus confia alors à ses généraux la conquête des autres cités d’Asie Mineure, tandis qu’il regagna Ecbatane avant de lancer de nouvelles campagnes en Parthie, Zarangiane, Hérat, Khwarezm, Bactriane, Sogdiane et Gandhara. Les détails de ces campagnes restent mal connus et peu de sources précisent la nature de ces conflits.

Au printemps de 539 av. J.-C., Cyrus entreprit la conquête de la Babylonie. La ville de Babylone fut prise sans effusion de sang. Selon les sources historiques, cette victoire fut obtenue par l’un des principaux commandants de Cyrus, Gobryas, à l’occasion des festivités du Nouvel An. Dix-sept jours après la chute de la ville, Cyrus fit son entrée triomphale à Babylone, le 29 octobre 539 av. J.-C.

L’occupation de Babylone constitua un tournant majeur dans l’équilibre des puissances de l’Asie occidentale. Elle ouvrit également la voie au retour des Juifs exilés vers leur patrie en Israël. Cyrus non seulement autorisa ce retour, mais il ordonna aussi la reconstruction du Temple de Jérusalem et restitua les vases d’or et d’argent que Nabuchodonosor II avait pillés.

 

Carte de l'empire de Cyrus le Grand

 

Contrairement à de nombreux conquérants de l’Antiquité, Cyrus ne pratiqua pas la politique de la terre brûlée ni l’assimilation forcée. Son modèle de gouvernance reposait sur trois principes :

  • Tolérance religieuse : Cyrus ne cherchait pas à imposer le culte perse. Chaque peuple pouvait continuer à vénérer ses dieux et à pratiquer ses traditions.
  • Autonomie locale : Les élites locales conservaient une certaine autonomie administrative, tant qu’elles reconnaissaient l’autorité du roi et payaient l’impôt.
  • Justice et équité : Cyrus se présentait non comme un tyran, mais comme un « libérateur ».

Ces choix expliquent pourquoi, au lieu de se révolter, nombre de peuples accueillirent Cyrus comme un souverain légitime.

 

Cyrus et le peuple juif

L’épisode biblique le plus célèbre lié à Cyrus le Grand est sa décision d’autoriser les Juifs exilés à Babylone à retourner à Jérusalem afin d’y rebâtir leur temple. Le Livre d’Esdras le décrit même comme un « oint de l’Éternel », presque un messie choisi par Dieu pour accomplir cette mission.

Dans la Bible hébraïque, Cyrus apparaît comme le protecteur et le libérateur des Juifs. Son nom y est mentionné à 23 reprises et il est régulièrement cité comme l’instrument de la volonté divine. Selon l’Ancien Testament, c’est sous son règne que prit fin la captivité babylonienne. Dès la première année de son pouvoir sur Babylone, il proclama la restauration du Temple de Jérusalem et permit aux Juifs de rentrer dans leur patrie.

Cyrus ne se limita pas à accorder cette permission : il soutint activement le projet en restituant les vases sacrés pillés par Nabuchodonosor II et en fournissant une somme considérable d’or et d’argent destinée à financer les matériaux de construction.

Cette politique de tolérance et de respect des croyances valut à Cyrus une réputation exceptionnelle dans l’Antiquité. Honoré par les Perses, admiré par les Grecs et vénéré par les Juifs, il fut l’un des rares souverains à jouir d’une telle reconnaissance universelle.

 

Le Cylindre de Cyrus

Le jour où Cyrus le Grand entra dans Babylone, les habitants s’attendaient à subir pillages, massacres et spoliations, comme cela se produisait souvent après une conquête. Mais il n’en fut rien. Au lieu de cela, Cyrus proclama un décret qui abolissait les discriminations ethniques et raciales, garantissait la liberté religieuse et la possibilité pour chacun de choisir son lieu de résidence.

Ce témoignage unique nous est parvenu à travers le Cylindre de Cyrus, une inscription cunéiforme rédigée en akkadien et découverte en 1879 dans les ruines de Babylone. Conservé aujourd’hui au British Museum, ce document décrit la conquête de la cité et présente la politique du souverain : restauration des sanctuaires détruits, respect des cultes, retour des divinités dans leurs temples et rétablissement des traditions locales.

De nombreux chercheurs considèrent ce texte comme une déclaration pionnière des droits de l’homme, puisqu’il énonce des principes de tolérance et de liberté religieuse. Bien que cette interprétation fasse encore débat, le Cylindre reste un symbole universel de gouvernance éclairée et de respect des peuples.

 

Le Cylindre de Cyrus, Musée britanniqueLe Cylindre de Cyrus – Trésor du British Museum

 

En 1971, les Nations Unies ont reconnu son importance en publiant le texte du Cylindre dans toutes les langues officielles de l’Organisation et en exposant une réplique au siège de l’ONU à New York. L’original demeure précieusement conservé au British Museum.

 

 

Le texte du Cylindre de Cyrus

La première partie du Cylindre (lignes 1 à 18) relate, à la troisième personne, les événements ayant conduit à l’avènement de Cyrus. Le texte met en cause Nabonide, dernier roi de Babylone, critiqué pour ses réformes religieuses. Il aurait négligé le culte de Marduk, dieu tutélaire de la ville, afin de promouvoir le dieu lunaire Sîn comme divinité suprême. Cette politique suscita le mécontentement des Babyloniens, qui implorèrent leurs dieux. Selon l’inscription, Marduk choisit alors Cyrus pour devenir souverain du monde. Le peuple accueillit son nouveau maître avec joie et reconnaissance.

La deuxième partie est rédigée à la première personne et constitue la voix de Cyrus lui-même. Il y dresse la liste de ses titres et de ses accomplissements, affirmant avoir pris soin du culte de Marduk à Babylone et avoir « accordé le repos à ses habitants après leur fatigue et leur servitude ». Cyrus mentionne aussi les tributs offerts par de nombreux rois, la restauration des sanctuaires dans toutes les contrées intégrées à son empire, ainsi que le retour des divinités et des peuples autrefois exilés.

 

Comment Cyrus le Grand est-il mort ?

La mort de Cyrus le Grand, survenue en 530 av. J.-C., reste entourée de mystère. Hérodote rapporte qu’il aurait péri lors d’une campagne contre les Massagètes, un peuple nomade d’Asie centrale. Toutefois, la plupart des historiens modernes considèrent ce récit comme légendaire. Les seules sources anciennes fiables sont deux tablettes d’argile retrouvées à Babylone : la première, datée du 12 août 530 av. J.-C., mentionne « la neuvième année de Cyrus, roi des nations », tandis que la seconde, datée du 31 août de la même année, fait déjà référence au règne de Cambyse, son fils et successeur. Ces documents suggèrent que Cyrus mourut (ou que la nouvelle de sa mort parvint à Babylone) entre le 12 et le 31 août 530 av. J.-C.

Selon la tradition, Cyrus fut inhumé à Pasargades, capitale qu’il avait lui-même fondée. Son tombeau, simple mais majestueux, est encore visible aujourd’hui dans la province du Fars, en Iran. Ce mausolée, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, demeure l’un des symboles les plus puissants de la mémoire perse.

Chaque année, le 29 octobre, de nombreux Iraniens se rassemblent à Pasargades pour commémorer symboliquement la « Journée de Cyrus », en hommage à ce souverain fondateur.

Après sa disparition, son fils Cambyse II prit les rênes de l’empire et poursuivit son expansion, notamment par la conquête de l’Égypte. Mais c’est bien Cyrus qui avait jeté les bases d’un système impérial durable, perfectionné par ses successeurs, en particulier Darius Ier.

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Héritage et postérité

L’influence de Cyrus dépasse largement son époque. Dans le monde perse, il reste un héros fondateur, symbole de grandeur et de sagesse.

Dans la pensée occidentale, les auteurs grecs comme Xénophon lui consacrèrent des ouvrages, tel la Cyropédie, où il est présenté comme le modèle du souverain idéal.

Dans la tradition moderne, son nom fut invoqué par des penseurs et des hommes politiques comme exemple d’un dirigeant conciliant puissance et humanisme.

Aujourd’hui encore, Cyrus incarne un idéal universel : celui d’un pouvoir capable de respecter la diversité tout en assurant l’unité.

 

Chronologie de Cyrus le Grand

558 av. J.-C. : Début du règne de Cyrus à Anshan (province du Fars) et au Khuzestan. La capitale achéménide est transférée à Suse.
550 av. J.-C. : Défaite d’Ishtuvegu (Astyage), roi des Mèdes, par Cyrus et prise d’Ekbatana (Hégmataneh). L’alliance médio-perse est scellée.
549-548 av. J.-C. : Conquête par Cyrus de la Parthie, de la Géorgie et probablement de l’Arménie.
546 av. J.-C. : Cyrus vainc Crésus, roi de Lydie, et s’empare de Sardes, la capitale lydienne.
539 av. J.-C. : Cyrus conquiert Babylone, la cité la plus prospère de l’Asie occidentale. La ville tombe presque sans résistance sur les rives du Tigre.
539 av. J.-C. : Cyrus autorise les Juifs exilés à retourner à Jérusalem et ordonne la reconstruction du Temple.
529 av. J.-C. : Cyrus mène une campagne contre les Massagètes, un peuple nomade d’Asie centrale, et trouve la mort au combat. Il est inhumé à Pasargades. Son fils Cambyse II lui succède sur le trône.